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Directeur·ice de thèse
Résumé du projet de thèse

Fondée par le Cheikh Abū al-Ḥassan al-Šāḏulī1 en Tunisie, la confrérie al-šāḏuliyya2 est celle qui satisfait, le plus, certains pratiquants de l’Islam orthodoxe, souvent hostiles aux formes cultuelles. Les pratiques rituelles des membres de la confrérie, appelé aussi les frères šāḏuli, se distinguent de celles des autres confréries soufies en Tunisie par leur simplicité et leur austérité. En effet, si les confréries soufi sont connues pour leurs performances accompagnées de danses plus ou moins développées et d’instruments de musiques divers, les performances de la confrérie al-šāḏuliyya sont beaucoup plus sobres ne faisant appel ni à la danse ni aux instruments de musique, ni aucun autre son que le chant. Le discours des pratiquants insiste sur le fait que leur musique liturgique est figée, depuis très longtemps, dans un répertoire de chants immuables, dans leur forme mélodique, avec peu d’ornementation et où l’importance est accordée en premier aux paroles. Ceci diffère d’autres confréries soufi que l’on trouve en Afrique du nord et qui font appel aux instruments à percussion. Les adeptes de cette confrérie se réunissent dans l’unique sanctuaire exclusivement consacré à leurs offices rituels situé au Mont Sidi-Belḥsan3 , chaque samedi soir (et tous les jeudis pendant l’été), pour célébrer leur office. Cette liturgie est constituée de quatre phases distinctes. La première phase dite al-ʿādah al-šāḏuliyya ou al-ʿāda, qui signifie la "Règle" ou "l’Ordinaire", est une suite d’oraisons immuables dans le texte de leurs paroles et dans leur composition mélodique La deuxième phase consiste en la lecture chantée du Ḥizb5 (chapitre de l’ordre). La troisième phase étant celle du ‘Amal, la quatrième étant le Ḏikr6 (énoncé et commémoration du nom de Dieu). Durant toutes ces phases, le chant joue un rôle essentiel pour célébrer l’office. Nous disposons de nombreux documents manuscrits et dactylographiés forts précieux, en rapport avec cette confrérie et sa musique liturgique. Ces documents sont conservés au Centre des Musique Arabes et Méditerranéennes, dans le fond d’archives papiers du baron d’Erlanger. Dans mon M2 j’ai pu montrer qu’à travers une analyse minutieuse de la transcription de 1917 d'Ahmed al-Wafi, comparée à la version actuelle résultant d'un travail de terrain, que la ʿāda, contrairement au discours des membres de la confrérie, a subi plusieurs changements, tant au niveau mélodique et rythmique que dans le contenu textuel. Ces changements varient en intensité, allant de modifications mineures à la suppression de certaines pièces. La question posée ici est celle de la fixité ou de la stabilité dans la pratique liturgique d’une confrérie soufi en Tunisie. Il s’agit d’observer à partir d’un corpus d’archives et des données de terrain les potentielles permanences et différences dans la pratique musicale de la confrérie al-šāḏuliyya sur une échelle de temps de plus de 100 ans.