La présente étude aborde la problématique de la fonction et du statut du compositeur - comme celle de son influence et de son style - au sein de la tradition musicale classique de l’Inde du Sud (musique carnatique) à travers ses trois plus grands représentants ou « Trinité carnatique » : Śyāmā Śastri (1762/63 – 1827), Tyāgarāja (1767-1847), Muttusvāmi Dīkṣitar (1775-1835). Elle se concentre sur la forme reine d’un vaste répertoire que ces trois musiciens ont portée à son apogée : le kṛti. Instrument privilégié de la mystique hindoue appelée bhakti, le kṛti est d’abord destiné au chant, ses compositeurs sont aussi poètes et s’il apparaît tout entier dédié à la louange divine, il s’avère aussi le lieu privilégié de l’expression personnelle sur le plan tant littéraire que musical. La création musicale en Inde du Sud est par ailleurs le fruit d'une incessante et subtile alternance entre improvisation et composition : les formes compositionnelles contiennent une part d’ouverture qui en assure non seulement la vie mais aussi la pérennité. Comment le compositeur prend-T-Il en charge le devenir de ses œuvres et de quelles manières ? Comment, tant par ses compositions que par le modèle de son existence même – par le jeu hagiographique – s’inscrit-Il dans le processus créatif, notamment celui de l’interprétation ? En quoi le kṛti, et particulièrement ceux de la Trinité carnatique, constitue un terrain particulièrement favorable pour la dialectique de la fixité et de la mobilité ? Ces éléments de problématique impliquent une approche à la fois historique et anthropologique tout en ouvrant un vaste champ à l’analyse musicale.