Des figues moisies aux raisins aigres : la variation de la conception du jazz chez Boris Vian

Boris Vian (1920-1959) était connu pour sa création et ses œuvres littéraires surréalistes comme L’Écume des jours ou J’irai cracher sur vos tombes qui sont encore appréciées aujourd’hui dans le monde entier. C’est un homme aux nombreux talents : il était non seulement un écrivain, mais aussi trompettiste, critique de jazz, créateur de chansons et dramaturge. Outre sa grande connaissance de la littérature, il ne faut pas négliger ses talents dans d’autres domaines. Il a particulièrement apporté de nombreuses contributions dans le domaine du jazz.
À partir de la fin de l’année 1946, le milieu du jazz français se divise en deux. Une faction est constituée par les « figues moisies », menées par Hugues Panassié, qui défendent le jazz traditionnel (le jazz Nouvelle-Orléans) comme courant principal du jazz français et rejettent et résistent à l'importation du « nouveau jazz » (principalement le bebop). L'autre faction était l'école des « raisins aigres », dirigée par Charles Delaunay, qui prônait l'absorption du jazz le plus en pointe du moment (aux États-Unis) et multipliait les échanges entre eux.
À cette époque, Boris Vian, qui était fasciné par le jazz Nouvelle-Orléans, a changé progressivement sa conception du jazz. Dès qu’il s’était joint au H.C.F, il s’est toujours consacré à défendre le parti des « figues moisies » bien qu’il ait aussi commencé à accepter le choc apporté par le parti des « raisins aigres ». Même si les querelles étaient de plus en plus intenses au sein du H.C.F, Vian s’est toujours appliqué à maintenir un équilibre entre les deux parties, de sorte que tout le monde puisse servir le jazz français harmonieusement. On peut reconnaître cette inquiétude du critique dans un article publié dans Combat. D’un côté, il défendait le statut traditionnel du jazz Nouvelle-Orléans, de l’autre, il laissait les lecteurs libres d’apprendre à connaître le bebop. Il mettait même ces deux genres musicaux ensemble pour illustrer leurs points communs et appelait les gens à ne pas juger un genre de musique par les premières impressions. Il invitait aussi à ne pas avoir de préjugés envers les interprètes.
A contrario, on observe que cette révolution a provoqué chez Vian de grands changements à travers ses interprétations, ses romans, ses critiques musicales, etc. À travers l’observation des activités de Vian au sein du H.C.F et l’analyse de sa conception du jazz, cette recherche vise à donner un nouvel éclairage sur les raisons de l’apparition de ces changements, et sur la façon dont ces derniers ont influencé le compositeur-poète dans ses créations ultérieures.