Dès 1870, dans un contexte politique et social français marqué par un patriotisme, voire un nationalisme antigermanique et revanchard, l’État ressent le besoin de redéfinir la nation et de diffuser jusque dans les arts un nouvel esprit français marqué par les valeurs issues de la Révolution. La chute de l’Empire et l’arrivée des républicains sur la scène politique marquent un tournant idéologique durant lequel un projet de rénovation des arts se dessine. Il a pour objectif de contribuer à la régénération de la société et à la naissance de citoyens nouveaux. En étudiant à la fois le projet théorique initial, ses répercussions sur les arts et plus spécifiquement sa réalisation en musique, nous souhaitons démontrer dans cette thèse une certaine perméabilité entre « les champs politique et administratif » et « le champ artistique ». Une première partie, consacrée à l’étude du contexte officiel du tournant du siècle ainsi qu’à celui de la presse artistique, examine le projet de rénovation des arts tel qu’il a été pensé par l’État. L'une de ses principales caractéristiques réside dans sa dimension sociale et politique. Il est envisagé comme un moyen d’action humaniste ayant pour objectif d'éduquer les hommes et les femmes dans leur quotidien. L'art doit devenir source de lien social, de fraternité et de communion, afin de ranimer les valeurs républicaines. Dans une seconde partie, nous étudions le rôle singulier de la musique au sein de ce projet. Un mouvement de propagande musicale est initié et un service public de la musique est mis en place : il s’agit de démocratiser la musique, en rendant son enseignement accessible à tous, et en l'intégrant au quotidien à travers des événements fédérateurs à la dimension patriotique forte. C’est grâce à l’école, rendue obligatoire, que le projet va largement se réaliser. L’analyse d'exemples significatifs de chants scolaires nous permettra de vérifier comment les valeurs défendues par le projet républicain se diffusent jusque dans le langage musical.